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Fabriquer des nano

Un nanomètre c’est un milliardième de mètre, un cheveu coupé 100 000 fois, bref c’est tout petit. C’est si petit que l’on ne peut ni le voir ni le sentir au toucher. Pourtant, on fabrique du nano toute la journée partout dans le monde. Il y a du nano tout autour de nous : en ce moment même, alors que j’écris ces lignes, j’utilise mon ordinateur dont le processeur et l’écran sont truffés d’objets de taille nanométriques ou micrométriques.
Comment peut on fabriquer de manière contrôlée des choses aussi petites sans les voir ni les touher ?

Il existe de nombreuses manières de le faire mais je vais vous parler aujourd’hui d’une technique que l’on appelle la lithographie.

La lithographie pour la nanofabrication n’a rien à voir avec celle utilisée par les artistes. En revanche, elle se rapproche d’une technique que le élèves de maternelle connaissent bien : le pochoir.
Avec des illustrations ce sera plus facile, voici donc ce qu’est un procédé de lithographie :

Tout commence avec le support sur lequel le nano-objet sera fabriqué. Ce support on l’appelle souvent dans notre jargon « le substrat« . Il est choisit pour ses propriétés physiques et chimiques (transparent, conducteur, hydrophobe, etc).
Pour nous, ici ce sera cette plaque bleue rectangulaire (qui peut représenter par exemple du verre ou du silicium)

Un procédé de lithographie commence par le dépôt d’une résine (ici en rose) sur le substrat .
Une résine est un liquide légèrement visqueux qui a des propriétés particulières : la lumière UV modifie sa structure moléculaire !
Pour la déposer on en verse quelques gouttes sur le substrat et on fait tourner l’ensemble à plusieurs milliers de tours par minutes. On appelle cette étape le « spin-coating« .

C’est maintenant que l’étape du pochoir arrive ! Sauf que dans notre jargon on n’appelle pas ça un pochoir mais un masque (oui bon c’est pas vraiment du jargon ;-)).
L’idée est que certaines parties soient opaques et d’autres transparentes à la lumière.
La forme des ouvertures de ce masque est le motif que l’on cherche à reproduire. Ici on a choisit une ligne, mais cela peut être n’importe quelle forme !

Une fois le masque positionné on éclaire le tout [masque – résine – substrat ] avec de la lumière UV.
Cette lumière a été choisie pour pourvoir changer la structure moléculaire de la résine éclairée.
Une manière plus rigoureuse de le dire est que la longueur d’onde de la lumière permet au polymère qui constitue la résine de réticuler.

Pour éclairer la résine – on dira « insoler » – on utilise un aligneur de masque. C’est cet instrument qui permet de positionner le masque correctement par rapport au substrat mais également de le plaquer contre la résine pour éviter les effets d’ombre. Surtout, il permet de contrôler la durée de l’insolation.

Depuis le début, j’essaye d’expliquer comment fabriquer des nano-objets. Mais ce que je viens de décrire jusqu’à présent – la lithographie optique – permet plutôt de faire des micro-objets.
Si l’on souhaite passer à l’échelle nano (1 000 fois plus petit), on utilisera une technique très similaire mais où la lumière et le masque sont remplacés par un faisceau d’électrons.
L’aligneur de masque est alors remplacé par un microscope électronique à balayage (MEB) dont le faisceau d’électrons est utilisé comme un pinceau pour dessiner le motif souhaité sur une résine électro-sensible.

Revenons à nos moutons ! Une fois insolée la structure moléculaire de la résine insolée n’est plus la même que celle de la résine masquée. Cela est important car la résine insolée peut être dissoute dans un liquide que l’on nomme un développeur.
Dans les fait, on trempe l’échantillon dans un bécher et quand il ressort la partie insolée a disparu.

Et voilà ! Une ouverture toute petite (micro pour une lithographie optique et nano pour une lithographie électronique) a été réalisée dans de la résine…
La lithographie à proprement parler s’arrête ici, mais faire des trous dans de la résine n’a pas grand intérêt voici donc les deux étapes qui peuvent suivre.

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Si l’objectif est de fabriquer des tranchées dans le substrat. Il faut alors creuser, c’est à dire enlever de la matière.
Pour cela on utilisera, par exemple, un bâtit de gravure. C’est une enceinte dans laquelle il est possible de contrôler la pression et les gaz présents. L’idée est de précipiter un gaz ou un mélange de gaz sélectionnés contre l’échantillon pour enlever de la matière soit par un effet d’abrasion soit par réaction chimique avec la surface.

A la fin de cette étape, le substrat a été gravé mais il reste également de la résine. Pour la dissoudre, il suffit de tremper l’échantillon dans un bécher rempli d’acétone.

Et voilà une nano- ou une micro- tranchée fabriquée sur ce substrat !

2 Une autre possibilité est de vouloir fabrique une structure en relief sur le substrat. On cherche donc à ajouter de la matière.
Là encore, il existe différentes techniques . L’une des plus courante est l’évaporation.
L’échantillon est inséré dans un bâtit très similaire au bâtit de gravure dans la mesure ou la pression et les gaz en présence sont très finement contrôlés. La différence est qu’il y a également un métal chauffé suffisamment fort pour qu’il s’évapore.
L’échantillon est placé dans cette vapeur d’atomes et est rapidement totalement recouvert.

Le matériau évaporé recouvre aussi bien le substrat que les restes de résine.
On trempe alors cet ensemble dans un bécher d’acétone pour dissoudre la résine.
Cette opération est appelée « lift-off« .

Et voilà un nano- ou un micro-fil d’or fabriqué sur la surface du substrat !

Vous savez désormais comment est-ce que l’on peut fabriquer des objets sans les voir et sans les manipuler.
J’espère que ces superbes illustration réalisée par Clara Hinoveanu vous ont aidé à comprendre. Les images sont tirées d’un projet que j’avais réalisée avec l’équipe de « la physique autrement » : la fabrique du nano, que vous pouvez retrouver ici

Pour finir, et pour vous montrer à quel point ces techniques sont puissantes, voici une petite galerie d’objets réalisés par lithographie :

Post Scriptum

Pour celles et ceux d’entre vous qui sont arrivés sur ce post en voyant une courte vidéo de moi m’habillant avec une combinaison bleue, vous vous demandez peut être quel est le rapport ?
Faire de la lithographie signifie que l’on souhaite fabriquer des objets qui sont si petits qu’ils que leur taille est inférieure aux cellules de notre peau, au diamètre de nos poils ou cheveux et même des fils du tissus de nos vêtements. Si l’une de ces poussières venait à tomber sur notre échantillon cela en serait finit des nanos !

C’est pourquoi, la nano- et la micro-fabrication se fait dans un environnement dit propre où le nombre et la taille des poussières est contrôlé. Pour rentrer dans une telle salle il faut se vêtir jusqu’au bout des doigts pour ne pas polluer l’atmosphère si bien nettoyée.