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Lise Meitner et Jocelyn Bell

En ce moment se joue une fantastique pièce de théâtre au théâtre de la Reine Blanche à Paris… En fait 2 pièces : la première retrace la carrière de Lise Meitner (ci-dessous à gauche) la seconde de Jocelyn Bell (ci-dessous à droite).

Vous ne les connaissez pas ? Pourtant quelles femmes ! La première à découvert le protactinium, l’effet Auger (qui devrait donc s’appeler l’effet Meitner-Auger ! ) et la fission nucléaire. La seconde, cinquante ans plus tard à découvert les pulsars. Les disciplines sont très éloignées pourtant mesdames Bell et Meitner ont un point commun : des hommes ont été récompensés à leur place pour leurs découvertes.

C’est une chose de connaître l’histoire, s’en est une autre de la voir se dérouler sous vos yeux. Elisabeth Bouchaud est une physicienne qui a décidé de consacrer la fin de sa carrière à écrire et jouer des pièces de théâtre. L’écriture de ces deux pièces, Exil Interieur et No’Bell, est exaltée par cette expérience si particulière d’être une physicienne au milieu de physiciens.

Les pièces sont bouleversantes, elles vous rempliront de tristesse et de colère… Sans doute vous demanderez vous pourquoi ces femmes n’ont pas réagit de manière plus virulente à ce qui n’est rien d’autre qu’une spoliation. Pourquoi n’ont elles pas fait valoir leur mérite plutôt que d’accepter… Avec le sourire qui plus est ?

C’est sans doute là, l’une des autres forces de l’écriture d’E. Bouchaud. Le déroulé démonte les mécanismes qui contraint non seulement Meitner et Bell à se taire mais tant de femmes avant elles et jusqu’aujourd’hui. Le sentiment d’imposture particulièrement fort chez Bell et sans cesse instillé par les hommes qui l’entoure. Lorsque l’on est persuadée d’être nulle, on ne va pas risquer de le faire savoir !

Lise Meitner, c’est une autre histoire. Elle est de la génération de ces femmes nées dans les années 1870 comme Marie Curie, Clara Immerwahr, Harriet Brooks ou Mileva Maric. Les premières à avoir le droit de faire des études scientifiques mais elles rencontrent de gigantesques difficultés pour exercer le métier de scientifique. Elles n’avaient pas toujours le droit de publier et elle devaient pour la plupart choisir entre le mariage et leur poste à l’université. Max Planck par exemple était contre la présence de femmes dans les amphis mais il était près à faire des exceptions pour certaines « amazones ». Ces femmes étaient perçues comme des sortes de monstruosités. N’était ce pas déjà extraordinaire qu’elles aient pu approcher un laboratoire ? Elle ne pouvait donc pas se plaindre que l’on utilise le matériel qu’elles avaient mise en place seule.

Ces phrases, ponctuent les pièces : « il n’avait pas le choix [de publier sans moi] », « l’important c’est la science »… Aujourd’hui, les femmes ont accès aux études et ont leur place dans les laboratoires. De grands progrès ont été accomplis depuis l’époque de Lise Meitner mais l’égalité n’est pas encore acquise. Elles subissent un syndrome de l’imposteur plus important que celui des hommes. Si d’aventure, elles sont amenées à devoir taper du poing sur la table, elles vont être au mieux qualifiées d’autoritaires mais souvent bien pire : « arrêtes de t’énerver! Tu as tes règles ou quoi ? ». Aujourd’hui encore je connais des femmes qui ont vu leur contribution scientifique passée sous silence. Les progrès restent encore immense à faire dans nos laboratoires pour motiver les jeunes femmes à embrasser les carrières de chercheuse. Mais les groupes de femmes scientifiques sont de plus en plus écoutés, elles arrivent à mettre en place des actions. Pour parler en physicienne : la densité d’obstacles diminue, à une vitesse beaucoup trop lente.

Epilogue

Au terme de la représentation d’Exil Intérieur du 19 janvier 2023 a eu lieu une discussion entre la salle, Elisabeth Bouchaud, deux représentants de l’association « les p’tits débrouillards », et moi même qui représentait la Société Française de Physique. Voici quelques phrases qui m’ont marquées :

-Elisabeth Bouchaud a expliqué très justement que la discrimination envers les femmes se fait rarement à découvert, un flou est entretenu avec une autre caractéristiques : Lise Meitner était d’origine juive dans une Allemagne Nazie, Jocelyne Bell était irlandaise dans une très anglaise Cambridge… Même Marie Curie, était l’étrangère qui a détourné Paul Langevin du droit chemin.

-On appelle les grands hommes par leur nom de famille : Einstein, Planck, Bohr… et les femmes par leur prénom : Lise et Jocelyn. C’est l’un des mécanisme d’invisibilisation les plus anodins : si on parle d’Albert, Max et Niels, il peut s’agir de n’importe qui. Commençons donc par rendre leur nom aux femmes ! Dans le même ordre d’idée : L. Meitner était surnommée la « Marie Curie allemande », H. Brooks « la Marie Curie canadienne »… Les hommes scientifiques ont toujours eu leur propre identité

-Les femmes physiciennes dans des laboratoires ont conscience à tout moment d’être des femmes alors que les hommes traversent leur journée en étant simplement des physiciens. C’est une chose que l’on sent très bien dans la pièce.

-Les femmes scientifiques qui ont franchi les obstacles ont pour la plupart eu le soutient d’un homme qui a affirmer la contribution de ces femmes quant elles ne pouvaient se permettre de le faire elles même.

Le lien vers le site de la Reine Blanche :

https://www.reineblanche.com/calendrier/theatre/exil-interieur

Dis ? Comment on fait les auto-tests?

Alors vous voyez ces très simple, dit-elle en débouchant sa bouteille de lait (si vous avez la ref c’est que vous êtes aussi vieux que moi).

Le vilain virus avec ses protéines spikes qui forment sa couronne

L’idée est effectivement très simple et je vais tâcher de vous la décrire de manière illustrée : Le coton tige qui entre dans votre nez permet de récupérer toutes les crottes dans lesquelles se trouveraient empêtré le méchant virus A.K.A. l’antigène. Parce que oui : le test que vous faites en pharmacie et celui que vous faites à la maison sont exactement les mêmes, la différence c’est qu’à la pharmacie on va chercher les crottes plus haut dans le pif… enfin le nez. D’ailleurs le petit « Ag » qui est écrit sur le test signifie… antigène !
Ensuite, ces crottes de nez sont mélangées avec un liquide transparent qui n’a d’autre but que de diluer lesdites crottes de nez.

Vous allez ensuite mettre quelques gouttes de ces crottes diluées sur un morceau de papier filtre. Par capillarité le liquide va être emporté sur une première zone où on trouve des nanoparticules d’or décorées avec des anticorps (les petites sphères rouges avec le « v » violet sur le schéma ci-dessous).


Nanoparticules ça veut dire que ce sont des sphères toutes petites minuscules rikiki. A vue de nez je dirai un peu moins de 100 nm, et non je ne coupe pas les cheveux en 4 mais plutôt en 100 000 pour vous donner une idée d’à quel point c’est petit. Je reviendrai plus tard sur le rôle de ces nanoparticules. Ce qu’il faut savoir est que sur ces nanoparticules, on trouve des anticorps qui sont des molécules capables de « reconnaitre » spécifiquement le virus. Quand je dis « reconnaitre » ce n’est pas une mission confiée à un agent secret, il s’agit, vous l’avez compris, d’affinités chimiques entre les anticorps et certaines protéines à la surface du virus (celle que l’on appelle spike en l’occurrence).  Donc si le virus (le gros carré bleu ci-dessous) est dans la crotte on se retrouve avec un virus sur lequel plein d’anticorps sont collés qui eux-mêmes sont collés à des nanoparticules. S’il n’y a pas de virus, les anti-corps collés aux nanoparticules restent libre comme Max (vous avez la ref ?).

Pendant ce temps, le liquide continue de grimper dans le test et cela laisse des espèces de trainées rouges : CE SONT LES NANOPARTICULES !!! Ce liquide chargé de nanoparticules décorées d’anticorps avec ou sans virus va rencontrer deux zones :

  • la première, notée T pour « test », contient elle aussi des anticorps contre le vilain virus . Si, d’aventure une nanoparticules greffées d’anticorps s’étant accrochés au virus passent par-là, elles seront stoppées net et une bande apparaitra (et non ce n’a rien avoir avec le crime en bande organisée).
  • Sur la seconde zone, notée C pour « clear », il y a là encore des anticorps mais ceux-là sont un peu différents, ils ne reconnaissent pas le virus mais les anticorps greffés sur les nanoparticules (ils sont représentés en vert). Quoi qu’il arrive cette ligne devrait devrait donc apparaitre, c’est d’ailleurs pour cela qu’elle permet de valider le bon fonctionnement du test.

Voilà ! vous savez tout sur les autotests et autre tests antigéniques pratiqués en pharmacie. Enfin non, vous ne savez pas tout. Parce qu’il reste une question à élucider : pourquoi ces nanoparticules apparaissent roses ou rouge ? Figurez-vous, que l’or à l’échelle nano n’est pas du tout doré il est rose ! Pour le comprendre, il faut se rappeler que la lumière avec laquelle l’autotest est éclairé est en fait multicolore, c’est notre cerveau qui l’interprète comme étant blanche. Vous avez déjà vu un arc en ciel ? Eh bien, toutes ces couleurs sont contenues dans la lumière du soleil. Quand la lumière va venir chatouiller des nanoparticules métalliques, et des nanoparticules d’or en particulier, la lumière bleue-verte est utilisée pour mettre en oscillation les électrons. Il faut imaginer la lumière bleue comme un doigt qui viendrait gratter la corde d’une guitare. Cette oscillation des électrons est appelée un « plasmon » et comme c’est ma spécialité il y a de fortes chances que j’en reparle dans ce blog ! Bref, revenons à nos moutons enfin à nos plasmons. Puisque le bleu-vert est utilisé par la nanoparticule il ne reste plus que les tons rouges-roses dans la lumière. Et c’est elle qui arrive jusqu’à vos yeux !

L’or, quand il est doré c’est qu’il est présent en grande quantité et le plasmon n’est plus excité tout à fait de la même manière. Dans certaines configuration l’or peut aussi apparaitre bleu, mais je vous expliquerai ça une autre fois. Finalement, sachez que cette histoire d’or rouge est vieille comme le travail du verre. L’incorporation de nanoparticules d’or dans le verre est décrite dans un traité du XVIème siècle mais était déjà pratiquée bien avant. Les plus grands verriers l’ont utilisés pour faire de luxueux ouvrages.

Verre rubis de Bohème
Verre Cranberry d’Ecosse

Beaucoup de tests sur papier fonctionne de cette manière, comme les tests de grossesse par exemple qui ne réagisse pas à la présence d’un antigène mais d’une hormone dans l’urine. L’urine étant déjà plein d’eau il n’y a pas besoin de la diluer et il suffit de faire pipi sur le test.

Voilà c’était un post crotte de nez et pipi, j’espère que vous aurez apprécié !

TP de fonderie

Je suis enseignante chercheure. C’est à dire que je consacre la moitié de mon temps à l’université à faire de la recherche et l’autre moitié à enseigner (il y a également plusieurs autres moitié qui sont consacrées à du travail administratif ce qui me rend bien triste, mais c’est une autre histoire).

Pour la partie enseignement, je la fait à l’IUT de Saint Denis au département Sciences et Génie des Matériaux. C’est une immense chance car cela me permet de travailler avec des collègues qui ont des compétences à mille lieue des miennes.

Fin 2020, ma collègue et amie Floriane Laverne m’a autorisée à assister à son TP de fonderie. C’est une séance où les étudiants apprennent à faire un moule dans lequel un métal sera coulé. J’en avais fait un fil Twitter à l’époque mais tout est très volatile sur ce réseau*.
Voici un petit reportage photo de cette expérience :

*Un jeu de mot se cache dans cette phrase, saurez vous le retrouver ?

Fabriquer des nano

Un nanomètre c’est un milliardième de mètre, un cheveu coupé 100 000 fois, bref c’est tout petit. C’est si petit que l’on ne peut ni le voir ni le sentir au toucher. Pourtant, on fabrique du nano toute la journée partout dans le monde. Il y a du nano tout autour de nous : en ce moment même, alors que j’écris ces lignes, j’utilise mon ordinateur dont le processeur et l’écran sont truffés d’objets de taille nanométriques ou micrométriques.
Comment peut on fabriquer de manière contrôlée des choses aussi petites sans les voir ni les touher ?

Il existe de nombreuses manières de le faire mais je vais vous parler aujourd’hui d’une technique que l’on appelle la lithographie.

La lithographie pour la nanofabrication n’a rien à voir avec celle utilisée par les artistes. En revanche, elle se rapproche d’une technique que le élèves de maternelle connaissent bien : le pochoir.
Avec des illustrations ce sera plus facile, voici donc ce qu’est un procédé de lithographie :

Tout commence avec le support sur lequel le nano-objet sera fabriqué. Ce support on l’appelle souvent dans notre jargon « le substrat« . Il est choisit pour ses propriétés physiques et chimiques (transparent, conducteur, hydrophobe, etc).
Pour nous, ici ce sera cette plaque bleue rectangulaire (qui peut représenter par exemple du verre ou du silicium)

Un procédé de lithographie commence par le dépôt d’une résine (ici en rose) sur le substrat .
Une résine est un liquide légèrement visqueux qui a des propriétés particulières : la lumière UV modifie sa structure moléculaire !
Pour la déposer on en verse quelques gouttes sur le substrat et on fait tourner l’ensemble à plusieurs milliers de tours par minutes. On appelle cette étape le « spin-coating« .

C’est maintenant que l’étape du pochoir arrive ! Sauf que dans notre jargon on n’appelle pas ça un pochoir mais un masque (oui bon c’est pas vraiment du jargon ;-)).
L’idée est que certaines parties soient opaques et d’autres transparentes à la lumière.
La forme des ouvertures de ce masque est le motif que l’on cherche à reproduire. Ici on a choisit une ligne, mais cela peut être n’importe quelle forme !

Une fois le masque positionné on éclaire le tout [masque – résine – substrat ] avec de la lumière UV.
Cette lumière a été choisie pour pourvoir changer la structure moléculaire de la résine éclairée.
Une manière plus rigoureuse de le dire est que la longueur d’onde de la lumière permet au polymère qui constitue la résine de réticuler.

Pour éclairer la résine – on dira « insoler » – on utilise un aligneur de masque. C’est cet instrument qui permet de positionner le masque correctement par rapport au substrat mais également de le plaquer contre la résine pour éviter les effets d’ombre. Surtout, il permet de contrôler la durée de l’insolation.

Depuis le début, j’essaye d’expliquer comment fabriquer des nano-objets. Mais ce que je viens de décrire jusqu’à présent – la lithographie optique – permet plutôt de faire des micro-objets.
Si l’on souhaite passer à l’échelle nano (1 000 fois plus petit), on utilisera une technique très similaire mais où la lumière et le masque sont remplacés par un faisceau d’électrons.
L’aligneur de masque est alors remplacé par un microscope électronique à balayage (MEB) dont le faisceau d’électrons est utilisé comme un pinceau pour dessiner le motif souhaité sur une résine électro-sensible.

Revenons à nos moutons ! Une fois insolée la structure moléculaire de la résine insolée n’est plus la même que celle de la résine masquée. Cela est important car la résine insolée peut être dissoute dans un liquide que l’on nomme un développeur.
Dans les fait, on trempe l’échantillon dans un bécher et quand il ressort la partie insolée a disparu.

Et voilà ! Une ouverture toute petite (micro pour une lithographie optique et nano pour une lithographie électronique) a été réalisée dans de la résine…
La lithographie à proprement parler s’arrête ici, mais faire des trous dans de la résine n’a pas grand intérêt voici donc les deux étapes qui peuvent suivre.

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Si l’objectif est de fabriquer des tranchées dans le substrat. Il faut alors creuser, c’est à dire enlever de la matière.
Pour cela on utilisera, par exemple, un bâtit de gravure. C’est une enceinte dans laquelle il est possible de contrôler la pression et les gaz présents. L’idée est de précipiter un gaz ou un mélange de gaz sélectionnés contre l’échantillon pour enlever de la matière soit par un effet d’abrasion soit par réaction chimique avec la surface.

A la fin de cette étape, le substrat a été gravé mais il reste également de la résine. Pour la dissoudre, il suffit de tremper l’échantillon dans un bécher rempli d’acétone.

Et voilà une nano- ou une micro- tranchée fabriquée sur ce substrat !

2 Une autre possibilité est de vouloir fabrique une structure en relief sur le substrat. On cherche donc à ajouter de la matière.
Là encore, il existe différentes techniques . L’une des plus courante est l’évaporation.
L’échantillon est inséré dans un bâtit très similaire au bâtit de gravure dans la mesure ou la pression et les gaz en présence sont très finement contrôlés. La différence est qu’il y a également un métal chauffé suffisamment fort pour qu’il s’évapore.
L’échantillon est placé dans cette vapeur d’atomes et est rapidement totalement recouvert.

Le matériau évaporé recouvre aussi bien le substrat que les restes de résine.
On trempe alors cet ensemble dans un bécher d’acétone pour dissoudre la résine.
Cette opération est appelée « lift-off« .

Et voilà un nano- ou un micro-fil d’or fabriqué sur la surface du substrat !

Vous savez désormais comment est-ce que l’on peut fabriquer des objets sans les voir et sans les manipuler.
J’espère que ces superbes illustration réalisée par Clara Hinoveanu vous ont aidé à comprendre. Les images sont tirées d’un projet que j’avais réalisée avec l’équipe de « la physique autrement » : la fabrique du nano, que vous pouvez retrouver ici

Pour finir, et pour vous montrer à quel point ces techniques sont puissantes, voici une petite galerie d’objets réalisés par lithographie :

Post Scriptum

Pour celles et ceux d’entre vous qui sont arrivés sur ce post en voyant une courte vidéo de moi m’habillant avec une combinaison bleue, vous vous demandez peut être quel est le rapport ?
Faire de la lithographie signifie que l’on souhaite fabriquer des objets qui sont si petits qu’ils que leur taille est inférieure aux cellules de notre peau, au diamètre de nos poils ou cheveux et même des fils du tissus de nos vêtements. Si l’une de ces poussières venait à tomber sur notre échantillon cela en serait finit des nanos !

C’est pourquoi, la nano- et la micro-fabrication se fait dans un environnement dit propre où le nombre et la taille des poussières est contrôlé. Pour rentrer dans une telle salle il faut se vêtir jusqu’au bout des doigts pour ne pas polluer l’atmosphère si bien nettoyée.

Voir les atomes

Les atomes, tout le monde en a entendu parler. On sait qu’ils existent, je vous raconterai une autre fois comment on en est devenu convaincu. Ce que je peux dire c’est que c’était au 19ème siècle et qu’à cette époque il n’y avait aucun moyen de se convaincre de leur existence en les voyant. Cela a d’ailleurs donné lieu a beaucoup de querelles scientifiques et philosophiques (faut-il voir pour savoir ?). Il n’empêche qu’une bonne partie du formidable progrès scientifique du 20ème siècle s’est construite sur le fait que les atomes existent sans pour autant que quiconque les ai vus.

Aujourd’hui, au 21ème siècle, peut-on enfin voir les atomes? Si on assimile un atome à une sphère, elle aurait un diamètre de l’ordre du dixième de milliardième de mètre, un cheveu que l’on couperait un million de fois, un ångström si vous préférez… Mais j’imagine que ce genre de dimension n’est pas très facile à se représenter ? Disons que cela est suffisamment petit pour qu’aucun microscope optique ne soit assez puissant pour distinguer un atome. Alors, a-t-on jamais vu un atome ?

La réponse est oui,
même si le verbe « voir » est sans doute mal choisit.

Pour « voir » des atomes, on peut, par exemple, utiliser un microscope électronique en transmission (MET pour les intimes, voire TEM in english).
Le principe d’un microscope électronique est d’utiliser des électrons à la place de la lumière. Ce microscope est dit « en transmission » parce que le faisceau d’électrons va traverser le matériau observé.
Les premiers microscopes électroniques ont été imaginés dans les années 1930 notamment par Ernst Ruska qui obtient le prix Nobel de Physique en 1986 pour « son travail fondamental en optique électronique, et pour la conception du premier microscope à électrons.

Cette vidéo (trouvée ) explique le fonctionnement de manière un peu plus détaillé.

Voici une image réalisée en MET d’un empilement de cuivre (Cu) sur de l’oxyde de manganèse (MnO).
Chaque petit point clair est un atome. On a l’impression que les atomes de MnO sont plus gros que les atomes de Cu… Sauf que Les atomes de MnO n’existent pas, il y a des atomes de Mn et des atomes d’O… et il n’est pas possible de les distinguer sur cette photo.

Les atomes sont tellement bien arrangés périodiquement que lorsque les électrons passent à travers ce matériau, ils subissent un trajet un peu particulier. On dit qu’ils ont été diffractés. Finalement grâce au MET, ce que l’on « voit » ce n’est pas directement les atomes mais la manière dont ils sont organisés. Surtout, juste avec cette image, il n’est absolument pas possible de dire avec certitude de quel atome il s’agit.
Source : https://t.co/Ee0tPAdEB1

Sur cette image-ci, la nanoparticule est très structurée : on voit bien ce quadrillage typique d’une très grande organisation. Cette organisation s’appelle un cristal. Les petits chiffres entre accolades sont une notation utilisée en cristallographie pour se repérer dans l’orientation du cristal.
En revanche, sous la nanoparticule il y a une espèce de brouillard. Cette texture montre qu’il y a de la matière et mais comme elle est désorganisée il n’est plus possible de distinguer les atomes qui la composent.

source : https://bit.ly/2GR4V25

Un autre exemple de microscope qui permet de « voir » des atomes est le microscope à effet tunnel, que l’on appelle plus souvent par son acronyme anglais STM (Scanning Tunneling Microscope). Le principe est de balader une pointe à très grande proximité de la surface du matériau qui nous intéresse. Le courant électrique entre le matériau et la pointe est mesuré, c’est un courant un peu particulier car la pointe ne touche jamais la surface. La pointe est tellement proche (environ 1 nanomètre) que les électrons ont une certaine probabilité de passer du matériau à la pointe ! Ce phénomène est appelé « effet tunnel » et il dépend fortement de la réserve d’électrons disponible dans le matériau.
Une petite animation sur le fonctionnement du STM est disponible ici

Finalement, le STM donne accès à la probabilité de trouver un électron à un endroit. Comme il y a des électrons dans les atomes ça donne une idée de la forme d’un atome. Par exemple ici, vous pouvez admirer une image d’une surface d’or où l’on voit bien des petites boules organisées.
Cette image a beau ressembler aux images de MET, elle ne donne pas du tout les mêmes informations.
source (et d’autres images de STM) : https://bit.ly/2UnVmQq

D’ailleurs une manière de se rendre compte de la différence entre STM et MET est de s’amuser avec les atomes. Ici, il y a 48 atomes de fer sur une surface de cuivre. L’interaction des électrons de chacun des atomes va provoquer ces espèces de ronds dans l’eau et cette couronne de montagnes que l’on appelle « quantum corral »
La densité d’électrons est plus importantes sur les atomes de fer si bien qu’ils n’ont plus du tout l’air sphériques !

Source : https://bit.ly/37Vwgw2

Pour finir, voici l’une des images scientifiques que je trouve la plus extraordinaire.

C’est toujours en STM et il y a déjà quelques années que cette image a été publiée.
Ces images sont exceptionnelles parce que l’on y voit des atomes qui ont des formes qui peuvent paraitre très étranges. En réalité il n’en est rien.
On sait depuis des décennies que les électrons ne tournent pas autour du noyau atomique comme dans un système planétaire. Les électrons sont à la fois des ondes et des particules qui décrivent des orbites aux formes variées. Les équations de la mécanique quantique permettent de simuler ces formes mais personne jusque-là n’avait obtenu de preuve expérimentale.

Absolument splendide !

Source : https://bit.ly/2vNsIO

Il existe quelques autres techniques qui permettent de « voir » les atomes, mais, vous l’aurez compris maintenant, le mot « voir » n’est pas du tout approprié. La formation et l’expérience des physiciens et physiciennes leur permettent de voir au-delà de l’image brute. Ce regard éclairé est la toute première étape de l’analyse des résultats qui permettra de comprendre un peu plus comment la matière est formée.